La ligature des trompes avant 30 ans…

L’accès à la ligature, un défi pour plusieurs!

Encore ce matin, j’ai lu l’histoire d’une femme ne parvenant pas à avoir accès à la ligature des trompes. Il est clair pour elle qu’elle ne souhaite pas vivre de grossesse dans sa vie. Elle nous demande de l’aide : « Comment faire pour avoir accès à la ligature des trompes ? »

*Les termes « femmes » et « hommes » sont utilisés dans cet article, car ils reflètent la réalité de la personne qui nous en a inspiré l’écriture. Nous sommes conscientes que des personnes ayant une autre identité de genre peuvent également vivre des enjeux d’accès à la ligature des trompes. Nous sommes ouvertes à vos témoignages afin d’enrichir cet article.

Dans la dernière année, nous avons reçu près d’une centaine de demandes au sujet de la stérilisation. Nous pensons que nous ne voyons que la pointe de l’iceberg, considérant que ce ne sont pas toutes les personnes souhaitant avoir recours à la ligature des trompes qui nous contactent.

Explication multifactorielle

Cette difficulté d’accès à la ligature des trompes nous apparait multifactorielle. D’abord, le système de santé est surchargé. Avoir un rendez-vous avec un.e médecin est généralement complexe et ces professionnel.le.s ont souvent moins de 20 minutes à nous accorder. Lorsque nous n’avons pas de médecin de famille, c’est un enjeu d’accéder à un rendez-vous médical. Aussi, la ligature des trompes est généralement considérée comme une intervention chirurgicale non urgente, donc même une fois acceptée, il peut y avoir des délais.

Pour avoir accès à la ligature des trompes, il faut suivre quelques étapes. Il faut d’abord être référé.e en gynécologie par un.e médecin. Si vous avez eu un rendez-vous en gynécologie dans les deux dernières années, vous pouvez recontacter votre gynécologue pour un rendez-vous. Il faut ensuite que le.la gynécologue accepte que vous ayez une ligature des trompes. En cas de refus, il est possible de consulter d’autres médecins.

La vasectomie au lieu de la ligature ?

Lorsque nous répondons à vos demandes, nous soulignons que la vasectomie est généralement plus accessible que la ligature des trompes. Si la personne a un partenaire stable et qu’il envisage la vasectomie, cela pourrait être une autre possibilité. La vasectomie se pratique tant dans le réseau public de la santé qu’au privé. La longueur des listes d’attente est variable, mais généralement plus courte que pour la ligature des trompes. Les prix au privé varient également d’une clinique à l’autre. Somme toute, les hommes semblent avoir plus facilement une réponse positive à leur demande de stérilisation que les femmes.

Au-delà des raisons médicales pouvant expliquer cette différence (la vasectomie est une intervention plus simple, moins invasive que la ligature des trompes et ne nécessitant pas un bloc opératoire), nous pouvons nous questionner sur le plan sociétal. D’un côté, nous pouvons interpréter la situation comme un encouragement pour le partage de la charge contraceptive dans le couple. D’un autre côté, nous pouvons nous questionner sur la place de l’autonomie des femmes dans le choix ou non de procréer. Au Québec, les femmes sont-elles soumises à la volonté de leur partenaire pour cesser de procréer?

Notre société tient-elle pour acquis que le fait d’avoir un utérus vient automatiquement avec le souhait d’avoir des enfants?

Selon nous, il n’est pas nécessaire de vivre une grossesse pour savoir si l’on souhaite ou non en vivre une dans sa vie. Pour le moment, les personnes ayant « plus facilement » accès à la ligature des trompes ont plus de 30 ans et déjà des enfants. Malheureusement, nous constatons également des différences culturelles face à la ligature des trompes. Plusieurs femmes ont été victimes de stérilisations forcées. Pourquoi imposer la stérilisation à des personnes sans leur consentement et la refuser à celles qui y consentent? Le monde est-il à l’envers? Le respect du consentement libre et éclairé est un droit essentiel dans notre système de santé.

Lorsqu’on a moins de 30 ans…

Selon vos témoignages, l’enjeu majeur demeure d’avoir un.e médecin qui accepte de vous référer pour la ligature des trompes. La raison du refus, que vous nous rapportez le plus souvent, est l’âge. Avant 30 ans, il est considéré que votre situation de vie pourrait changer et que vous pourriez regretter la stérilisation. Je suis attristée de constater qu’en 2022, une personne de moins de trente ans ne soit pas prise au sérieux dans son désir de ne pas enfanter.

La probabilité de vivre des regrets est présente, comme dans tous choix de vie. Elle ne devrait toutefois pas être le facteur déterminant dans un refus de pratiquer une ligature des trompes. Masella et Marceau (2020) appuient cette idée. Celles-ci suggèrent qu’il y ait une discussion entre le médecin et la patiente. Le savoir et le vécu de la patiente devraient donc être pris en compte tout comme le savoir du professionnel (Masella et Marceau, 2020). De plus, une discussion, une vraie, et non pas sur le coin d’un bureau, permettrait d’aborder les différents enjeux éthiques présents dans la situation (Masella et Marceau, 2020). « Ainsi, la seule véritable raison qui pourrait motiver un refus de la part du médecin, sauf les contre-indications médicales, serait l’ambivalence dont fait preuve la femme quant à sa décision » (Masella et Marceau, 2020, p.65).

Cette proposition a toutefois des limites en raison de la structure de notre système de santé (Masella et Marceau, 2020). En effet, comment pouvons-nous expliquer notre histoire et les raisons nous ayant menés à ce choix, ainsi qu’être pleinement écoutés en moins de 15 minutes? Des changements devront être apportés afin de favoriser encore plus (et mieux) le libre choix.

À toutes les personnes qui nous ont contactées à ce sujet et à toutes celles qui le feront…

J’ai envie de vous dire de vous rassembler, d’unir vos voix afin d’être enfin entendue. Pour ce faire, n’hésitez pas à contacter un organisme de défense de droit en matière de santé sexuelle et reproductive (ex. : Fédération du Québec pour le planning des naissances / FQPN).
J’espère que dans l’avenir, chacune de ces voix sera entendue, écoutée et respectée.

Nous sommes conscientes qu’il y a des médecins qui écoutent déjà les femmes et agissent en respect de leurs choix de vie et de leur autonomie. Nous vous remercions. Nous souhaitons que la mise de l’avant et l’écoute de la parole des patient.e.s soient la base de tous soins de santé.

Référence : Masella, M.-A. & Marceau, E. (2020). La stérilisation volontaire chez les femmes sans enfant de moins 30 ans : dilemme éthique et déontologique. Canadian Journal of Bioethics / Revue canadienne de bioéthique, 3(1), 58–69. https://doi.org/10.7202/1068764ar